Paul-Louis Marsick
(1916-1969)


Greece 1917

C'est au Vieux Phalère, au bord de la mer Egée et au pied du mont Hymette que Paul-Louis Marsick naît le 9 février 1916. Il aimait dire que cette terre grecque et les Dieux de l'Olympe avaient forgé son destin. Citant souvent ce vers de Baudelaire "Homme libre, tu chériras la mer", il va vivre ses 11 premières années à son bord puisqu'après la mer Egée ce sera le Golfe de Gascogne, à Bilbao. Ses parents seront particulièrement attentifs à son éducation. Sa grand-mère, Edma Breton, marquise Sampieri, comptera aussi considérablement pour lui. Edma était chanteuse et avait été promise à une belle carrière de cantatrice avant son mariage. Même si elle avait dû abandonner ses rêves d'artiste, elle continuait à faire ses vocalises chaque matin et Paul-Louis a souvent évoqué cette grand-mère qu'il aimait tendrement. Autrement dit, il naissait dans un milieu d'artistes, entre cette grand-mère qui le berçait de ses airs, sa mère, peintre de talent et son père qui ne vivait que pour la musique. Très tôt, lui aussi sera totalement investi par cette musique vitale pour tous les Marsick, aujourd'hui encore.

En 1922, il suit ses parents à Bilbao où son père a été nommé au Conservatoire. La Grèce, puis l'Italie et enfin l'Espagne, même si Bilbao est loin de la Méditerranée, c'est aussi un pays du sud et d'abord méditerranéen. Ses regards seront toujours tournés vers la Méditerranée. Et pourtant, il était belge puisque son père Armand l'était !

L'Espagne

De la Grèce, il ne gardera presqu'aucun souvenir. En janvier 1922, la famille s'installe à Deusto, un quartier de Bilbao où Armand a trouvé une maison... sans cheminée. Ils arrivent en plein hiver basque. Le temps est maussade... mais Paul-Louis gardera de très bons souvenirs des cinq ans passés à Bilbao. Très vite il apprend l'espagnol... avec l'accent basque et il est inscrit à l'école primaire qu'il fera en entier dans cette ville. Il parlera espagnol couramment et l'écrira sans faute. Le voilà trilingue puisque son père et sa grand-mère lui parlent en français et sa mère en italien. Il gardera toute sa vie des liens étroits avec ses amis d'enfance. Il reviendra un jour pour diriger l'orchestre fondé par son père en 1922. C'est là aussi qu'il débute ses études musicales au conservatoire dirigé par son père. Tout naturellement, ce père va lui mettre un violon dans les mains. Ce n'est qu'en arrivant en Belgique vers 1928 qu'il va choisir le violoncelle, très certainement influencé par le frère aîné de son condisciple de l'athénée de Schaerbeek, Pierre Darcy.

A Bilbao, il entend les concerts très nombreux qui s'y jouent. D'abord ceux de son père à la tète de l'Orquesta Sinfonica. De la musique de chambre aussi. Il vit tous les instants de la vie musicale européenne, rencontre Jacques Thibaud, Arthur Rubinstein, Blanche Selva, Hector Dufrasne ou la cantatrice Demougeot. Bien d'autres encore.

Les beaux-arts tiennent aussi une place importante dans sa formation comme la lecture. Il lit en espagnol Calderon, Robinson Crusoe "explicadas a los niños", "la vida de grandes hombres" comme celle de Franklin ou de Dante et bien sûr celle de Cristobal Colón comme "Don Quijote de la Mancha para uso de los niños" de Cervantes. Des lectures édifiantes aussi qui devaient forger le jeune sujet basque espagnol qu'il aurait pu devenir. Primo de Ribera impose sa dictature, ne l'oublions pas, en ces années là.

La Belgique

Bientôt cependant, en 1927, la famille est contrainte à nouveau de déménager. C'est le retour de son père en Belgique. Ils vont habiter chaussée d'Helmet à Bruxelles. Il est inscrit aussitôt en sixième à l'Athénée Royale de Schaerbeek, commune de l'est de Bruxelles. A côté de chez eux vivent les Darcy, boulevard Lambermont. C'est une famille française. Le père crée des papiers-peints pour une grosse usine.

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Jacques Gaillard

Ils ont trois enfants: Cécile est peintre, Robert, violoncelliste, 1er prix du Conservatoire de Lyon (le futur Conservatoire Supérieur) et Pierre... scout. Le scoutisme sera pour Paul-Louis une vraie école de vie. Robert aura une grande influence sur le tout jeune Paul-Louis et sans doute sera-t-il celui qui lui fera abandonner le violon pour le violoncelle. Paul-Louis ne s'intéresse guère à ses études classiques. Il n'aime que l'histoire et le français et est bien trop occupé par ses études musicales. Dès la fin de la 4° il quitte l'athénée définitivement. Il est alors inscrit au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles et entre dans la classe de violoncelle de Jacques Gaillard, remarquable pédagogue.

Paul-Louis lui vouera une admiration profonde et si l'auteur de ces lignes s'appelle Jacques, c'est par affection pour ce professeur que Paul-Louis lui donnera ce prénom. Dès lors, le parcours de Paul-Louis au conservatoire sera exemplaire en acquérant une formation très complète.

Le Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles. Le cursus.

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Avec son père, Armand
Ostende 1934

Dès 1933, il obtient le Premier Prix d'Histoire de la Musique avec "grande distinction" (en France équivalent de la mention très bien) dans la classe d'Ernest Closson, un des meilleurs musicologues européens. Il gardera toujours pour ce professeur une affection toute particulière. Cela lui permettra d'ailleurs d'obtenir plus tard deux bourses, l'une pour un séjour à Salzbourg et l'autre en Italie.

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Paul-Louis
1933

Il écrira aussi à la fin de la seconde guerre mondiale plusieurs articles biographiques de nombreux musiciens et des monographies plus importantes sur Rossini et Grétry, sous l'égide de Closson. Il commentait aussi tous ses concerts et ceux des Jeunesses Musicales sans aucune note. Cette culture musicale était renforcée par un souci de culture générale qui lui semblait indispensable: littérature, peinture, architecture... Tout était lié pour lui. On peut dire sans crainte qu'il représentait l'exemple même de "l'honnête homme" du XVIII° s. En 1934, premier prix d'harmonie dans la classe de Fernand Quinet, un autre grand maître belge 1935, 1er prix de violoncelle dans la classe de Jacques Gaillard avec distinction (mention bien) 1936, le 1er prix de musique de chambre avec distinction dans la classe de Wagemans et un deuxième prix de contrepoint dans celle de Raymond Moulaert. Enfin, 1938, il le 1er prix de fugue dans la classe de Léon Jongen. A cette formation très complète, ajoutons aussi qu'il suivra une classe de direction d'orchestre avec René Defossez.

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Paul-Louis vers Salzburg
1938

Le violoncelliste

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Quatuor Violoncelle
1937

Paul-Louis Marsick avait pris très vite conscience qu'il n'atteindrait jamais les sommets de virtuosité nécessaire à une carrière de soliste. Il avait cependant une passion pour la musique de chambre et il a longtemps espéré faire partie d'un quatuor à cordes qui représentait pour lui, avec raison, la formation la plus complète qui soit. Il aura l'occasion, avant la guerre, de lire une littérature énorme pour quatuor à cordes grâce à un excellent amateur, dont le nom n'a pas été retenu, malheureusement, qui n'avait pas le temps de travailler mais qui souhaitait découvrir le plus d'oeuvres possibles. Les quatuors de Haydn, de Mozart, de Beethoven et bien d'autres encore furent systématiquement explorés. Paul-Louis en avait gardé un excellent souvenir. Son père le fera jouer en soliste à Verviers ou l'embauchera au pupitre des violoncelles lors des concerts de l'Exposition de l'Eau à Liège en 1939.

Sa plus belle expérience avant la guerre, fut la création du "Quatuor de Violoncelles de Bruxelles" qu'il fonde en 1935. Outre Paul-Louis, les autres pupitres sont tenus par Robert Darcy, Franz Degroot et J. Vanderperen. Le répertoire comprendra: - des arrangements écrits par Robert Darcy: - la sonate n°2 pour quatre violoncelles de Carl Philippe Emmanuel Bach - le concerto n°2 pour quatre violoncelles et orchestre de Haendel, -Des oeuvres spécialement écrites pour ce quatuor original: - "Divertissement" en quatre mouvements et un concerto pour quatre violoncelles et orchestre de Robert Darcy - la "Fantaisie rhapsodique pour quatre violoncelles" op.21 de Jean Absil. - d'autres oeuvres pour quatre violoncelles d'Henri Challan, Seguito Intimo, de date inconnue et deux pièces pour quatre violoncelles de Joseph Jongen. op.89 de 1929.

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Trio du Hainault

Le quatuor à cordes sera invité en 1939 à l'"Exposition de l'Eau" à Liège. Mais la guerre qui éclate interrompt les activités du quatuor. Pendant la guerre, après l'exode dans le Sud-ouest de la France en 1940, puis son retour à Bruxelles en 1943, il tiendra le pupitre de violoncelliste aussi bien à l'orchestre symphonique de la radio qu'à l'orchestre Nationale de Belgique, remplaçant ainsi les violoncellistes prisonniers en Allemagne. Mais le retour des prisonniers allait le priver de ces postes.

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Trio du Hainault - 1954

En 1953, il va devenir le violoncelliste du Trio du Hainaut fondé par le violoniste montois Maurice Onderet qui revenait à Mons après un long séjour à Montréal au Canada. La pianiste Edith Nisol complétait le trio. C'était une excellente pianiste. Ils vont donner des dizaines de concerts en très peu de temps. Mais ce trio n'eut qu'une relative courte existence. Ce trio donnera de nombreux concerts dans le Hainaut mais aussi ailleurs. Ses activités dureront jusqu'à l'été 1956 au cours duquel Paul-Louis aura un accident de voiture dans le Gers, aux conséquences dramatiques. Une double fracture de l'avant-bras gauche, mal opérée à Agen, l'empêchera de tourner complètement cet avant-bras et il devra renoncer au violoncelle.

La guerre

Petit retour en arrière. Après des mois de "drôle de guerre", de septembre 39 à mai 40, les armées allemandes envahissent brusquement la Belgique le 10 mai.

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Paul-Louis, Andrée
et Jacques
Mézin - 1943

L'armée belge ne peut pas résister aux divisions blindées, aux parachutistes qui s'emparent en quelques heures des forts de Liège, pourtant jugés imprenables. Que faire ? Paul-Louis avait été exempté mais il a le sens du devoir. Il croise à Bruxelles des amis scouts et le 14 mai il part avec eux pour la France dans l'espoir de former une division pour combattre la Wehrmacht. Le 17, il se retrouve à Montpellier, puis à Villeneuve-lès-Maguelone, dans un camp aménagé à la hâte pour les accueillir. Jamais, cette division ne pourra être créée faute d'armement. Il essaie de s'engager dans l'armée française, sans plus de succès. Entretemps il échange toute une correspondance car le courrier circule malgré les combats, avec une petite cousine qu'il a eu l'occasion de rencontrer plusieurs fois. Il fait tout pour persuader Andrée Protat et sa mère Marie Protat de le rejoindre à Montpellier, ce qu'elles font. Très vite, Andrée et Paul-Louis vont se fiancer et Andrée ne quittera plus cette bague qui scelle leur amour...

Le 25 juin, les combats cessent. L'armistice honteux signé par Pétain divise la France en deux zones. Le rapatriement des scouts belges va pouvoir commencer mais Paul-Louis reste car maintenant son destin est lié à sa fiancée. Où aller ? Ils décident alors de rejoindre la famille de Georges Protat, le plus jeune frère d'Andrée, dans le Gers. Ils vont finir par poser leurs valises à Mézin (Lot-et-Garonne) après diverses tribulations et où ils se marient le 28 avril 1941. Les parents de Paul-Louis le supplient de revenir à Bruxelles. Sa grand-mère aussi. Plus facile à dire qu'à faire. Il faudra attendre l'occupation de la zone sud pour que les Allemands l'autorisent à gagner Bruxelles avec sa famille. Ils arriveront le 27 juin 1943. Paul-Louis trouve aussitôt des remplacements aux pupitres des violoncelles des deux orchestres symphoniques de Bruxelles: celui de la radio, l'INR, et l'Orchestre national de Belgique. Grâce à cela, il échappera au STO. Bruxelles sera libérée par les Anglais le 3 septembre 1944. Les prisonniers rentreront plus tard et les musiciens retrouveront leurs pupitres. Paul-Louis sera au chômage. Il accepte alors des tournées mal payées ou de la "brasserie" dans les cafés qui ne connaissent pas encore les juke-boxes ! Andrée assure seule les revenus réguliers en enseignant au Lycée Français de Bruxelles, alors situé près de la gare du Midi. Que faire alors que leur troisième enfant est né en mars 1945 ?

L'enseignement

Le seul moyen de "gagner sa croûte", comme il le disait, c'était l'enseignement. Le salut viendra d'abord des écoles de musique d'Etterbeek, de Bruxelles et enfin de Braine-le-Comte où il enseigne le violoncelle puis de l'Athénée Royal d'Uccle en 1947. En 1948, il est intérimaire à l'Athénée de Morlanwelz et à l'Ecole Normale, dans le Hainaut. Il faut choisir entre la province et la capitale. Mais la perspective d'une nomination rapide à Morlanwelz avec ce double poste fait vite pencher la balance. Le déménagement se fait à Pâques 1949 à Familleureux. Pour l'auteur de ces lignes, c'est à la fois l'émerveillement d'habiter une vaste maison confortable et le regret éternel de quitter Bruxelles car ce village est perdu au milieu de nulle part. Paul-Louis Marsick subira cet enseignement avec courage passant les différents "degrés", d'instituteur à la licence d'enseignement (Le grade le plus élevé en Belgique) avec les meilleures notes. En 1954 il achète, une petite Volkswagen, la fameuse coccinelle grâce à la générosité parcimonieuse d'un oncle qui avance les sous... Toute la famille entre dans la voiture ! Les parents devant, les trois aînés sur la banquette arrière et les jumeaux, nés en 1947, dans le petit coffre derrière la banquette, face à face... Une galerie supportera une malle et un filet tendu entre deux barres métalliques au-dessus des sièges se remplissent de bagages, sans compter le coffre arrière tapissé de linge de maison... pour le meilleur confort des "jumeaux". Dès lors, le dimanche, ou la voiture prend la direction de Bruxelles chez les grands-parents ou elle va explorer les routes et les monuments du pays. La plus grosse émotion sera les larmes d'Andrée quand ils franchiront la frontière française à Bois-Bourdon et qu'elle verra le grand panneau "France", sur la route de Maubeuge...

A l'Athénée, comme à l'Ecole Normale, Paul-Louis va tenter d'éduquer à la musique des générations de potaches. Beaucoup en gardent un souvenir ému et se souviennent de son violoncelle qu'il joue en classe, des premiers "long-playings" 33 tours et leurs découvertes des compositeurs. Les témoignages sont nombreux et souvent très émouvants.

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La famille Marsick en vacances dans le Sud Ouest
avec la famille Protat - Eté 1957
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Très vite, il va créer une chorale. Les répétitions avaient lieu le matin avant les cours ou sur le temps de midi. Elle se produisait au moins deux fois par an pour les fêtes de l'APC (Athénée Provincial du Centre), en hiver au lycée des filles, juste à côté et pour la "fancy-fair" à l'Ascension. Le répertoire allait de la Renaissance avec Roland de Lassus aux Négros Spirituals en passant par le folklore tchèque avec "Tece Voda" par exemple et les innombrables canons ! Cette pratique du chant choral n'était qu'un des aspects de la pédagogie voulue par Paul-Louis Marsick. Sa classe était aussi une exposition permanente d'instruments de musique, de photos et de reproductions de tableaux illustrant les compositeurs. Enfin, le 15 octobre 1951, Paul-Louis Marsick présente le premier concert des "Jeunesses Musicales du Centre" qu'il vient de fonder. Mais avant cela il fera un long voyage en Italie, grâce à une bourse de la Princesse Marie-Josée, dont il rapportera un travail de recherche important sur le compositeur Francesco Antonio Bonporti (1672-1748).

Les Jeunesses Musicales du Centre.

Durant toutes ces années 50 et 60, ce sont des dizaines de concerts qui seront offerts aux élèves des établissements scolaires du Centre, région industrielle qui s'étend autour de La Louvière, entre Mons et Charleroi. Oserait-on dire que ce fut un des rares moyens d'évasion de ces paysages rudes de chevalets de mines, de terrils, de hauts-fourneaux et d'industries métallurgiques ? Le succès ne faiblit pas grâce à l'énergique direction de Paul-Louis Marsick qui fut toujours bien secondé par des équipes solides et engagées. Jacques Lefèvre, professeur d'histoire à l'APC, et son épouse, Jean-Marie Sente, André Bougard et bien d'autres encore. Chaque établissement avait ses délégués de classe qui étaient chargés de recruter leurs camarades de classes.

Toute une équipe de jeunes accueillait le public et préparait les réceptions après les concerts qui avaient lieu à l'Institut Provincial des Arts et Métiers de La Louvière puis, plus tard, au nouveau théâtre de La Louvière, très belle salle à l'acoustique parfaite. Léon Fleischer, Pierre d'Archambeau, la Maîtrise de la RTF dirigé par Jacques Besson, que l'on revoyait l'été dans le Sud Ouest avec son incroyable compagne américaine. Jaime Laredo, Tamás Vásáry qui deviendra un ami de la maison et qui précédait ses concerts par une heure de yoga ! Les "enfants" Pasquier, dont le plus jeune était violoncelliste et dont les pieds restaient suspendus car il était encore de petite taille, des groupes folkloriques comme les ballets de Brno ou d'Andalousie, du jazz aussi comme ce trompettiste américain qui avalait une bouteille de whisky pendant sa prestation... et décédé peu après ! Mais quel souffle ! Les murs en tremblaient ! Et bien sûr, Paul-Louis Marsick lui-même à la tête de nombreux orchestres.

Beaucoup de ces artistes logeaient chez Paul-Louis Marsick, occasion de les entendre en privé. Les violoncellistes étaient particulièrement choyés, comme Guy Fallot, Maurice Gendron... et son pianiste Jean Français. Les enfants, ont été marqués profondément par ces rencontres si extraordinaires. Ils étaient entièrement mobilisés pour assurer l'impression des programmes sur stencils avec une "machine" qui imprimait une feuille à la fois ! Tous vivaient assurément sur une autre planète, loin des études classiques des élèves studieux. Surtout ne rien regretter de ces beaux instants !

L'IPEL

Lorsque Paul-Louis arrive à Morlanwelz, il va faire immédiatement amitié avec un remarquable professeur de français, Louis Philippart. Celui-ci allait être bientôt appelé à une autre fonction: celle de directeur de l'Institut Provincial de l'Education et des Loisirs. Cet Institut est né en 1945 d'une Commission provinciale des "Loisirs des ouvriers" crée en 1919. Cet institut avait donc pour vocation d'offrir aux travailleurs des usines, aux mineurs, des facilités d'accès à la culture avec un grand C. Une des sections de cet institut était consacrée à l'art musical en subventionnant, en particulier, les sociétés instrumentales et chorales de la province. Dès que Louis Philippart en prend la direction, cet institut va multiplier les grands événements culturels. Notamment le théâtre en engageant les meilleures troupes parisiennes comme en 1954 un cycle Racine inoubliable. Ce seront aussi d'innombrables expositions, des conférences, la création d'une bibliothèque qui deviendra très rapidement un outil remarquable de diffusion du livre avec l'achat d'un bibliobus... La section musicale allait être dirigée par Paul-Louis Marsick, complice parfois orageux de son ami Louis. Paul-Louis présidera tous les jurys qui jugeaient la qualité artistique de ces fanfares et autres harmonies, très nombreuses dans la province. C'était toujours le samedi ou le dimanche. Il va aussi donner de très nombreuses conférences jusque dans les Maisons du Peuple des plus petites communes, dans les usines quand on voulait bien lui en ouvrir les portes. Ce seront aussi des cours pour les futurs bibliothécaires à Tournai, Mons, Charleroi. Il écrira aussi plusieurs articles de fond pour la revue "Rencontres" de l'IPEL. Bref, une vie à 100 à l'heure comme s'il sentait que le temps lui était compté. D'autant qu'à ces activités s'ajoutera celle de professeur d'harmonie au Conservatoire Royal de Mons. en 1962.

Le Musicien. L'ENSEMBLE INSTRUMENTAL MARSICK.

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Ensemble Instrumental Marsick

Nous en oublierions presque qu'il est aussi musicien d'abord et avant tout. S'il ne peut plus jouer de violoncelle après 1956, c'est vers la direction d'orchestres que Paul-Louis Marsick va se tourner. C'est certainement là qu'il excellera le mieux et le plus. Très vite, il sera reconnu comme un chef de grand talent. Ses premières armes seront avec l'orchestre "Musica Viva" de Bruxelles. Avec eux il donnera plusieurs dizaines de concerts. Mais ce n'est pas son orchestre. Il mettra plusieurs années pour mûrir son projet: créer son propre orchestre. Pour cela il va rassembler des instrumentistes tous titulaires de 1er prix des conservatoires royaux, essentiellement celui de Mons. En janvier 1962, il fonde l' "ENSEMBLE INSTRUMENTAL MARSICK". Le premier concert à lieu à Manage, le 5 mai, où la famille habite dorénavant. C'est un plein succès. En quelques années il donnera plus de 120 concerts "dont une bonne moitié dans les écoles (enseignements technique, moyen, supérieur), écrit Jacques Stehman dans "Le Soir" du 14 février 1969 dans une longue interview de Paul-louis Marsick qui ajoute: "nous avons toujours établi le dialogue avec les auditeurs et nous avons été rappelés dans les mêmes lieux: écoles, ateliers, foyers culturels, cercles ouvriers, maisons de jeunes, sociétés locales de musique. Parfois aussi des salles fréquentées par la société bourgeoise". Ainsi, il participe régulièrement au Festival de musique de Chimay.

Le répertoire de l'orchestre ira de Corelli aux contemporains comme Hindemith, Britten et Bartók. Il n'oublie pas les compositeurs belges, comme René Bernier, par exemple. Sa direction est à la fois nette, et très musicale, les attaques sont toujours précises. Chaque pupitre donne le meilleur de lui-même et le tout forme un ensemble musical digne des meilleurs orchestres du royaume. Mais, il n'obtiendra pas la reconnaissance officielle qu'il espérait: transformer cet orchestre en orchestre permanent de la province du Hainaut. Ce fut son grand désespoir. L'incurie et le manque de vision des hommes politiques de l'époque en sont les seuls responsables.

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Paul-Louis et son ensemble musical

Parallèlement à la direction de son orchestre, il dirige régulièrement l'orchestre de chambre de la radio nationale (INR qui deviendra la RTBF), l'Orchestre National de Belgique (ONB) jusqu'à ce que la jalousie de son chef titulaire oppose un barrage à ce dangereux concurrent, et l'Orchestre Philharmonique de Liège dont il aimait particulièrement l'esprit jeune et plein de ferveur. Il donnera de nombreux concerts en France, dans le Nord/Pas-de-Calais en particulier. Il reviendra aussi à Bilbao diriger l'orchestre fondé par son père. Il enregistrera deux disques: l'un avec l'ONB, l'autre avec son Ensemble Instrumental Marsick. Mais, dès 1962, il sera atteint par la maladie. Il luttera contre un cancer pendant sept ans. Le 30 avril 1969, dix ans exactement jour pour jour, il décède dans d'atroces douleurs. Il repose au cimetière communal de Manage. Il avait 53 ans.


En guise de conclusion


Paul-Louis Marsick a été un musicien. Un vrai. Exigeant avec lui-même et avec les autres. D'un caractère entier et pas toujours facile à vivre. C'était curieusement un pessimiste actif. La vie ne lui avait pas fait de cadeaux, ce qui explique cela. Immensément cultivé, il a laissé le souvenir d'un véritable artiste passionné aussi bien chez ses élèves que ses collègues musiciens et bien sûr ses enfants.





Jacques et Xavier MARSICK
Printemps 2012